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Implications Sportives ...
Published on June 8, 2006 By marouki In Football

Ces derniers temps, le ballon rond ne sait quel vent prendre, tellemement la grace sportive lui manque . Après le hooliganisme, le racisme, les paris et les matchs truqués, l'exclusivisme télévisuel surgit, de surcroît, pour lui arracher ses derniers lettres de noblesse... La coupe du monde devient un privilège de riches, le tiers-monde ne peut que constater les dégâts : c'est sans appel, il faut payer rubis sur ongle pour suivre la coupe du monde, alors que la FIFA et les networks de mass-media font la pluie et le beau temps avec leurs passe-droits mafiosi...En conséquence, le sport le plus pôpulaire dans le monde se trouve coincé entre nationalisme et mondialisation. Le ballon est dans le camp de la FIFA, il lui incombe, et à elle seule de trouver un juste équilibre ...

Dans la même ambiance, voiçi un papier paru dans Politis :

À une semaine du début de la Coupe du monde, en Allemagne, le football est perpétuellement en procès. Pour les uns, c’est la vulgarité de foules avinées, les scandales des matchs truqués en Italie, le pire nationalisme, le racisme. Pour les autres, c’est un sport populaire aux vertus collectives, aux règles simples, qui constitue un jeu universel. Le pour et le contre.

Nous y sommes presque. Le 9 juin, adieu Clearstream, adieu Ségolène, adieu Sarkozy, et tout ce qui fait l’ordinaire de notre actualité. Place à la Coupe du monde de football. Pendant un mois, et à raison, parfois, de plusieurs matchs par jour, les amateurs vont pouvoir s’enivrer de foot (et de bière), et les autres se plonger au minimum dans la Recherche du temps perdu ou rejoindre les anachorètes dans leur retraite monacale. On peut adorer ou détester et conclure à la manière du sociologue Jean-Marie Brohm que le foot, c’est le début du fascisme. Mais on ne peut rester indifférent à un tel phénomène populaire. Le vacarme médiatique, du reste, ne le permet pas. Pour ses détracteurs, le foot, ce n’est rien que cette foule grégaire, souvent avinée, hurlant à la mort, non seulement dans les stades, mais aussi dans les rues des villes, scandant des slogans racistes, faisant le salut nazi à Rome ou à Paris ; ce sont des enjeux financiers qui aiguisent les convoitises au point de provoquer des scandales comme l’affaire des matchs truqués qui secoue actuellement l’Italie (1). Pour les autres, amoureux du ballon rond, c’est une passion collective, un jeu simple qui rassemble plus qu’il ne divise, c’est un langage universel que l’on vous parle où que vous alliez dans le monde. Les deux sont vrais, mais, quoi que l’on pense, le foot est un fait de société et la Coupe du monde, le premier événement sportif de la planète, avant même les jeux Olympiques.

Le foot, c’est aussi une métaphore du monde. Le nationalisme, la mondialisation financière, le racisme, la marchandisation des clubs, des joueurs, et des femmes, comme en témoigne ce trafic de prostituées dont les eros centers allemands se sont peuplés en prévision d’un afflux d’hommes seuls... Voilà l’image que véhicule cette gigantesque foire médiatique. Il y a donc bien des raisons de la détester. Mais ne soyons pas hypocrites : on peut aimer le jeu et avoir en horreur ce qu’il charrie autour de lui. La question est de savoir si ces excès et cette vulgarité résultent directement du jeu et de la compétition, dont la logique est toujours, au sens propre du terme, l’élimination, c’est-à-dire quelque chose qui a à voir avec la guerre et la mort, ou si cet environnement qui gangrène le jeu est propre à la société elle-même. Il n’y a pas de réponse simple à cette question. Les grandes manifestations sportives ont toujours donné lieu à des exploitations nationalistes. On se souvient des jeux Olympiques de Berlin présidés par Hitler en 1936, ou, plus près de nous, de la Coupe du monde de 1978, en Argentine, récupérée par le dictateur Videla. Les démocraties, elles non plus, ne sont pas à l’abri de débordements nationalistes, même si la cause de ces régimes nous paraît moins révoltante. Ce qui est nouveau ­ disons depuis une vingtaine d’années ­, c’est la mondialisation au sens financier du terme. La déréglementation, l’afflux massif du fric, l’entrée des grands clubs en bourse, les produits dérivés, la commercialisation de l’image des joueurs. Ce qui est nouveau, c’est un sélectionneur national, en l’occurrence Raymond Domenech, qui reste muet devant les caméras de télévision parce qu’il a vendu l’exclusivité de ses commentaires à un opérateur de téléphonie. Ce qui est nouveau, c’est le mélange du nationalisme et du fric. Le phénomène est tellement universel et tellement symptomatique des évolutions de nos sociétés qu’il n’est pas étonnant qu’un spécialiste de stratégie internationale se penche sur le sujet.

Dans Football et mondialisation, Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), évoque les aspects géostratégiques de ce sport. Mais, surprise, il ne regarde pas la foule des supporters depuis son Olympe d’intellectuel. Il avoue sa passion (voir entretien, page 14) et regarde ces supporters avec une certaine empathie. Il définit le ballon rond comme « le stade ultime de la mondialisation », puisque « son empire ne connaît ni frontières ni limites » : « Il n’y a aucune surface habitée de la planète, si petite soit-elle, qui ait su, pu ou voulu résister à la conquête du football », écrit-il.

Et si ce phénomène est si global, c’est bien parce que sa diffusion s’est faite de façon pacifique, estime-t-il en prenant le contre-pied (c’est bien le moins en football) des critiques habituelles. Pascal Boniface retrace l’histoire de cette conquête du monde par le football. Sur le plan national, son développement s’est fait parallèlement à celui du réseau ferré : « Une gare, un terrain de football, telle est la règle. » Au niveau mondial, il s’est propagé par les mers et les océans. Ainsi, le football moderne est né en Angleterre. Et ce sont les marins et les commerçants anglais qui, en le pratiquant lors de leurs escales, vont l’introduire auprès des populations locales. Les colons quant à eux se chargeront de l’exporter en Afrique et en Asie. Mais si la Grande-Bretagne a été le « fer de lance » du ballon rond, ce sont les moyens de communication de masse que sont la radio et surtout la télévision qui vont grandement contribuer à sa large diffusion dans le monde entier. « Le football est bien un phénomène mondial, et la télévision est son plus sûr auxiliaire », note Boniface. « La télévision a permis au ballon rond de rebondir aux quatre coins de la planète. »

Pascal Boniface revient également sur les facteurs qui ont fait du football un phénomène global. Il reprend ici l’analyse de l’ethnologue Christian Bromberger (1). C’est principalement sa simplicité ainsi que le faible coût financier pour quiconque souhaite le pratiquer qui expliquent le succès de ce sport. Surtout, n’importe qui peut y jouer, et ce quelles que soient ses caractéristiques physiques. Enfin, en tant que sport collectif, le sentiment d’identification est plus fort que dans les sports individuels. Et ce d’autant plus que la force du football réside dans « l’interaction entre talent individuel et capacité collective ». Le meilleur des joueurs n’est rien sans des coéquipiers de valeur. « La réussite d’une équipe dépend de ce bon équilibre entre individuel et collectif. N’est-ce pas d’ailleurs une bonne définition d’une vie en société réussie ? » Voilà donc un tout autre point de vue : le football, sport populaire, à faible coût ; sport simple et aux vertus collectives. Mais on en revient tout de même au fric. Le football est donc le phénomène le plus global qui existe. « Quelle autre marchandise est achetée par trois milliards de consommateurs ? Même pas le Coca-Cola », s’interroge Boniface. Mais, à la différence des autres phénomènes de la mondialisation, le football n’est pas dominé par les États-Unis. « Lorsqu’on parle de nouvelles technologies, on évoque la Silicon Valley ; pour la Bourse, c’est Wall Street ; le vrai pouvoir réside à la Maison Blanche ; le temple du cinéma, c’est Hollywood ; l’information, c’est CNN. Le football, quant à lui, fait exception à cette règle. Les États-Unis ne sont pas une grande puissance de football. »


Meriem Bouchefra et Denis Sieffert in Politis Link

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