Uti, Non Abuti - Use de tout, mais n'abuse de rien.
Par Bernard Langlois
Published on September 8, 2006 By marouki In International
Gaza, une prison

Le Proche-Orient toujours. Le désastre sur tous les fronts. Ceux dont on parle encore : Liban, Irak, situation intérieure d’Israël (où Olmert est de plus en plus contesté, tant sur sa politique que sur ses malversations financières) ; ceux dont on ne parle pas assez : la situation à Gaza, pire que jamais :

« Gaza a été réoccupée. Le monde doit le savoir et les Israéliens aussi doivent le savoir. Gaza se trouve dans la pire des situations de son histoire. [...] Plus que jamais, Gaza est comme une prison. Le passage d’Erez est vide, le passage de Karni n’a été ouvert que quelques jours ces derniers mois, et la même chose est vraie pour le passage de Rafah. Quelque 15 000 personnes ont attendu pendant deux mois pour entrer en Égypte, certains attendent toujours, y compris un grand nombre de personnes malades et blessées. 5 000 autres personnes attendaient de l’autre côté pour retourner dans leurs foyers. Certains sont morts pendant l’attente. Il faut voir les scènes à Rafah pour comprendre à quel point cette tragédie humaine qui se déroule est profonde. Un passage qui n’était pas censé avoir une présence israélienne continue d’être un moyen pour Israël de faire pression sur 1,5 million d’habitants. C’est une punition collective scandaleuse et choquante. Les États-Unis et l’Europe, qui font la police au passage de Rafah, sont aussi responsables de cette situation. Gaza est aussi plus pauvre et plus affamée qu’elle ne l’a jamais été. Il n’y a pratiquement aucune marchandise qui entre ou qui sort. Pêcher est interdit. Les dizaines de milliers de fonctionnaires de l’AP ne reçoivent plus aucun salaire, et la possibilité de travailler en Israël est hors de question.

Et nous n’avons pas encore parlé de la mort, de la destruction et de l’horreur. Ces deux derniers mois, Israël a tué 224 Palestiniens, dont 62 enfants et 25 femmes. Israël a bombardé et assassiné, détruit et pilonné, et personne ne l’a arrêté. Aucune cellule de lanceurs de Qassam et aucun tunnel de contrebande ne peut justifier une tuerie à si grande échelle. Il n’y a pas un seul jour sans morts, la plupart des civils palestiniens innocents. » Extrait d’un article de Gidéon Levy, paru dans Haaretz du 3 septembre (1).

C’est une des rares raisons de ne pas désespérer complètement d’Israël : il y subsiste une presse et des esprits libres. Pour combien de temps ?

American parano

Encore deux mots, et un livre.

Ceux qui me reprochent mon anti-américanisme (« primaire », forcément « primaire » !) usent souvent d’un argument : « Contentez-vous de critiquer George W. Bush, comme nous le faisons nous-même ! » (D’ailleurs, même chose pour Israël : l’antisionisme, c’est très vilain ; mais il est autorisé de dire du mal de Sharon, hier, d’Olmert aujourd’hui.)

Sauf que, George Dubbleyou ou pas, la politique impérialiste américaine est toujours la même, grosso merdo, depuis toujours (et tout pareil en Israël, où l’on navigue de Charybde en Scylla).

Un tout récent essai, écrit sans hargne, dans un style très maîtrisé, explique très bien ça (2). Son auteur, un avocat formé aux États-Unis, dynamite cette idée toute faite que le « Nouveau Monde » serait en avance sur l’ancien, la « vieille Europe ». C’est exactement le contraire : il est l’Europe, non pas même d’hier (nationaliste et impérialiste du XIXe) mais d’avant-hier, du Moyen Âge féodal. Et qu’il maîtrise les outils techniques de la modernité ne change rien à ses structures mentales profondes, héritées du puritanisme originel des Pilgrim’s Fathers, ces pères fondateurs qui fuyaient, justement, une Europe en pleine transformation (les Lumières) où ils ne retrouvaient plus leurs valeurs, dans « cette arche de Noé du Mayflower, où l’homme féodal se réfugia en attendant la fin du déluge européen de la libre-pensée ». Cette American Parano se traduit, chez les Américains, par une négation du monde extérieur (il y a les États-Unis d’Amérique et rien) qui les destine à la fois au despotisme (comme l’avait pressenti Tocqueville hier) et à un inéluctable déclin (comme le leur prédit Todd aujourd’hui), dont témoigne déjà l’effarante médiocrité de leur système éducatif (« Il ne sort de l’université américaine que des enfants qui ne grandiront jamais ») (3). Ce déclin, somme toute normal ­ aucun empire n’est éternel ­, nous le vivrons dans la douleur, car « rien n’est plus dangereux qu’un empire qui s’effondre, si ce n’est un empire qui refuse de s’effondrer ». Si vous voulez savoir pourquoi vous avez raison de détester l’Amérique, lisez d’urgence American Parano.

Et ça vous donnera aussi une raison supplémentaire de tout faire pour barrer la route à Sarko l’Américain

(1) « Gaza’s darkness », http://questionscritiques.free.fr

(2) American Parano, Jean-Philippe Immarigeon, Bourin éditeur, 247 p., 20 euros.

(3) Thème du dernier best-seller de Tom Wolfe, Moi, Charlotte Simmons (Robert Laffont), un roman déjanté sur la « fucking » vie quotidienne sur un campus américain. Pas triste !

In politis.fr Link

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