Uti, Non Abuti - Use de tout, mais n'abuse de rien.
Manuel II Paléologue
Published on September 25, 2006 By marouki In International
Voilà l’homme de la semaine, celui par qui le scandale arrive, le personnage dont les mots sont passés au peigne fin de l’exégèse, et dont les sentences font redouter un embrasement de la planète, est le plus improbable qui se puisse imaginer. C’est un certain Manuel II Paléologue. Un héros sans visage, icône tout juste incrustée dans le métal de la monnaie byzantine. Il y aurait presque quelque chose de réconfortant dans cette irruption inattendue d’un empereur romain d’Orient, contemporain de Jeanne d’Arc, dans l’actualité du XXIe siècle. Sil’on pouvait un instant s’abstraire du contexte, il faudrait même se réjouir de cette controverse née d’une citation d’un théologien conférant devant des étudiants bavarois. Quoi de plus passionnant que le débat qui nous est proposé sur le thème de la religion et de la violence ? Et quoi de plus intemporel ? On imagine l’assemblée générale des Nations unies s’emparant de façon académique de cette opposition entre foi et raison, et enjoignant aux ambassadeurs de tous les pays de la réduire. La politique internationale en serait, c’est le moins que l’on puisse dire, rehaussée jusqu’à des altitudes qu’elle ne fréquente guère.

Mais nul n’ignore que le temps politique ne s’arrête jamais. Et que le théologien qui digressait librement, l’autre jour, devant des universitaires bavarois est pape, c’est-à-dire homme politique plutôt en vue, beaucoup moins universel qu’on ne le dit, et davantage porte-parole du monde occidental qu’on ne le croit. Un personnage qui, moins que quiconque, ne peut oublier le contexte. Et celui-ci se résume en quelques noms de pays : Irak, Palestine, Liban, Iran, Afghanistan... qui sont presque autant de guerres ou de menaces de guerres contre des populations majoritairement musulmanes . Il y a donc beaucoup d’hypocrisie à feindre d’ignorer le climat de tension actuel et à s’étonner de l’hypersensibilité du monde musulman face à des jugements sommaires et des amalgames qui créent un soupçon permanent à l’encontre de milliards d’hommes et de femmes. La question n’est donc pas de savoir si, en 1391, Manuel II Paléologue avait raison ou tort dans son dialogue avec un érudit persan, s’il n’y a que « des choses mauvaises et inhumaines » chez Mahomet comme « le droit de défendre par l’épée la foi qu’il prêchait ». La question est de savoir l’usage que le monde d’aujourd’hui peut faire de ces mots choisis par un pape, et immédiatement repris par les médias de tous les pays. La question est de savoir si le pauvre empereur byzantin n’est pas soudain transformé en pilier de bistrot bavardant avec un soudard du Front national. « Mais oui, mon brave monsieur, les musulmans... »

La fausse innocence qui prétend ignorer la psychologie collective de l’époque et ses tragédies avait déjà fait des ravages au moment des caricatures danoises amalgamant l’islam au terrorisme. Cette fois, le dessinateur iconoclaste ­ ce qui ne manque pas de saveur ­, c’est Benoît XVI. Et comme le caricaturiste qui prétendait que l’on peut rire de tout et à tout moment, le pape affirme que cette citation d’un savant byzantin n’a évidemment aucun rapport avec sa propre pensée. La vérité, c’est que pour les laïques que nous sommes cette affaire pourrait paraître dérisoire. Et la réaction de certains extrémistes musulmans totalement folle. Nous savons que la religion a toujours charrié son lot de violence. Manuel II Paléologue dialoguait avec son Persan à peine un siècle après la fin des croisades, et le concile du Latran avait déjà institué la « Sainte Inquisition » avec ses tortures et ses bûchers. Et ce sont des chrétiens qui défendaient leur foi par l’épée. Onpeut donc choisir des exemples dans toutes les religions. Ce sont les circonstances historiques qui déterminent la lecture des textes. Et le pape serait mieux inspiré d’intervenir en homme politique pour que les crises qui entretiennent les tensions soient réglées et que le monde ne se partage plus entre « humiliants » et « humiliés », pour reprendre le juste propos de Régis Debray lundi sur France Inter. Ce sont ces crises et les injustices d’un rapport de force tout à l’avantage des puissances occidentales, et leur mépris affiché du droit, qui transforment l’islam en refuge identitaire, et parfois en forteresse assiégée. Ce ne sont ni les textes millénaires ni les prophètes qui permettent de comprendre le monde d’aujourd’hui. Il s’explique bien assez par lui-même.

Denis Sieffert in politis.fr Link

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Comments
on Sep 25, 2006
test
on Sep 25, 2006
lolll impossible de commenter
j'ai ca en retour:
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et pourtant j'ai rien dit de mal
on Sep 27, 2006
Encore une fois désolé !!! Joeuser fait parfois des siennes ...