Peut-on faire la guerre afin d'être digne de la paix !!!
Murs
Quand, le 9 novembre 1989, tomba le mur de Berlin, beaucoup ont cru que s’ouvrait une ère nouvelle. L’écroulement du système communiste ne marquait-il pas la victoire définitive des démocraties ? La fin de la guerre froide, c’était enfin l’avènement de la paix universelle : nous allions enfin pouvoir désarmer en cadence et consacrer les énormes budgets d’armement à éradiquer la misère du monde. C’était « la fin de l’Histoire », pardi ! Et nous n’aurions bientôt plus besoin d’ériger d’autres murs que ceux où nous abritons nos bonheurs et nos vies privés...
L’époque s’est vite chargée de balayer ces chimères. Avaient raison ceux pour qui (nous en sommes) l’Histoire ne s’arrête jamais, dont le moteur est la lutte des classes. Certes, nous avions changé d’ère : le capitalisme n’avait plus, dans l’heure, d’ennemi à sa hauteur, plus de frein à son expansion, plus de limites à son appétit, on s’en est vite rendu compte. Et l’axe des affrontements ne s’était jamais que déplacé : de l’Est-Ouest en Nord-Sud. Et avec lui le temps des murs. Mur israélien, qui enferme le peuple palestinien dans une prison à ciel ouvert où il crève à petit feu (1) ; mur étasunien à la frontière avec le Mexique, pour en finir avec ces putains de Chicanos qui viennent bouffer nos hot-dogs ; mur des enclaves espagnoles au Maroc, où viennent s’accrocher, pitoyables papillons, les enfermés de la misère africaine ; murs de papier des conventions, traités, lois, arrêtés des pays riches pour refouler les sans-papiers des pays de la faim ; murs des enclaves privées, oui, avec leurs barbelés, leurs cerbères, leurs caméras, où les nantis préservent leurs privilèges des appétits grossiers des crève-la-faim : tous ces murs de la honte présentés comme nécessaires à la survie de notre belle civilisation, qu’il faut bien défendre contre les barbares, non ?
(Tiens, trouvé sur le Net cette fable qui m’a fait rire jaune : nous sommes en 2010, Sarkozy président. Un tremblement de terre ravage l’Algérie. Des flots de dollars déboulent des États-Unis, de Grande-Bretagne... Des équipes sanitaires, des tonnes de médicaments, de vêtements, etc., de tous les coins du monde. La France, elle, envoie 35 000 Algériens...).
Danger
Jamais le monde n’aura été aussi dangereux, aussi proche de l’explosion que dans ce début de siècle et de millénaire. Aussi engagé, partout, dans la course aux armements.
La Corée, indifférente aux menaces, fait péter sa bombinette ; l’Iran, insouciant, continue de touiller la sienne dans ses centrifugeuses. Pourquoi se gêneraient-ils, au nom de quoi les priverait-on des attributs de la puissance dont on a laissé se doter l’Inde, Israël, le Pakistan (sans parler des « grands », nucléaires de droit divin) ? Et l’Afrique du Sud, le Brésil, ils en sont où ? Et le Japon, quand est-ce qu’il réarme ?
Partout, le chaos s’installe. L’Irak est plus que jamais à feu et à sang ; en Afghanistan, les talibans reconquièrent lentement mais sûrement le territoire dont on les avait chassés (avec de grands trémolos sur la « démocratie » restaurée, tu parles !), et la culture du pavot est en pleine expansion ; au Liban dévasté, en l’attente de la prochaine invasion, les bombes à fragmentation israéliennes (fabrication US) continuent de tuer tous les jours : je vous laisse mettre tous les « etc. » qui conviennent...
Alors oui, Poutine est un vrai salopard. Oui, les déclarations antisémites et négationnistes d’un Ahmadinejad sont imbéciles et irresponsables. Mais il ne faut pas réduire la Russie à son tsar, ni l’Iran à son Président. Et je suis d’accord avec Emmanuel Todd lorsqu’il dénonce « une Amérique agressive cherchant à entraîner ses alliés dans la guerre » et estime que « les États-Unis sont plus dangereux que l’Iran pour la paix dans le monde » (2).
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(1) Encore un papier remarquable de Gidéon Lévy dans Haaretz, où il s’étonne de l’ampleur de la couverture qu’accordent les médias israéliens aux affrontements inter-palestiniens dans la bande de Gaza (alors qu’ils passent généralement sous silence les attaques israéliennes quotidiennes qui s’y déroulent). Je vous donne juste la conclusion, mais tout le papier est à lire (www.haaretz.co.il/hasite/spages/770...) : « Derrière ce comportement honteux, les messages médiatiques sont transparents : regardez ces êtres bestiaux, comment ils tuent leurs frères ; regardez ce peuple, à la veille d’une guerre civile, ou peut-être en pleine guerre civile, alors pensez : est-ce avec lui que nous ferons la paix ? Avec la conclusion habituelle : il n’y a pas de partenaire. Mais même dans l’assaut médiatique d’hier, les vraies questions n’ont pas été posées : qu’est-ce qui a entraîné ces heurts sanglants et quelle part y a Israël ? Un million et demi d’habitants sont enfermés dans une énorme prison, la plupart sans revenus, au bord de la famine, désemparés devant les brutaux assauts israéliens venant de la mer, du ciel et de la terre ferme, avec un gouvernement impuissant, essentiellement à cause du boycott dont il fait l’objet depuis qu’il a été élu lors d’élections démocratiques. Les comptes-rendus d’hier étaient marqués d’une feinte candeur parfaitement scandaleuse. »
(2) Dans Marianne du 7 octobre.
Bernard Langlois in politis.fr
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