Un groupe de Verts appelle à la réunion urgente d’un nouveau Sommet de la Terre, qui prendra les décisions radicales qui s’imposent face au drame de la faim.
Maroc, Indonésie, Haïti, Cameroun, Côte-d’Ivoire, etc., la liste des pays victimes d’émeutes de la faim s’allonge chaque jour. En Europe, pour beaucoup, les famines évoquent le Moyen Âge et des souvenirs de leçons d’histoire. On regarde alors ce spectacle avec un mélange de commisération et de charité. Nous devons pourtant affronter la réalité car ce n´est pas la fatalité qui tue. Le retour des famines est une catastrophe écologique de grande ampleur provoquée par notre mode de développement. On nous dit que les « experts » n’avaient rien vu, les Verts et les altermondialistes n’ont pourtant cessé d’alerter. René Dumont a consacré toute sa vie à la lutte contre la faim. Avant sa mort, il a publié un dernier ouvrage au titre évocateur, Famines : le retour. Il y pointait les conséquences dramatiques du désordre libéral et de l’absence de politiques volontaristes.
Qui se souvient de l’engagement solennel d’Henry Kissinger, au Sommet mondial de l’alimentation en 1974, à ce que plus un enfant ne meure de faim dix ans plus tard ? Le mythe productiviste d’une résolution de nos crises par le seul recours à la technique a échoué. Ce sont les fondements même de notre développement qui produisent ces crises. Le tiers monde paye le prix de la libéralisation des marchés agricoles qui détruit les agricultures paysannes en les exposant à la concurrence de produits agricoles bradés sur le marché mondial. Un modèle unique a été suivi, celui d’une agriculture productiviste privilégiant les cultures d’exportation des groupes agroalimentaires au détriment des cultures vivrières. L’absence de volonté écologiste des gouvernements a délaissé le combat prioritaire contre le dérèglement climatique, abandonné les conséquences de la raréfaction de l’eau au marché et ignore l’extinction de la biodiversité. Nous restons enfermés dans la dépendance aux firmes multinationales par les OGM au lieu de choisir la souveraineté alimentaire, et menaçons les équilibres écologiques en appuyant la production d’agrocarburants.
Ce modèle agricole unique imposé met notre planète en danger. Ceux qui meurent de faim payent le prix des politiques néocoloniales menés par des pays comme la France, la Chine et les États-Unis, laissant au pouvoir dictateurs et élites corrompues, poursuivant ainsi le pillage économique. La solidarité mondiale n’est plus qu’une légende alors que l´insuffisante Aide publique au développement a encore reculé de 8,7 % en 2007. La nécessaire gouvernance mondiale est abandonnée aux firmes appuyées souvent par le FMI et la Banque mondiale. Ceux qui meurent de faim payent le prix de l’idéologie néolibérale, du court-terme et du laisser-faire, d’une société consumériste encourageant le gaspillage et d’une croyance illimitée au mythe de la croissance. Ce prix a un nom, c’est celui de la lourde « dette écologique » que nos gouvernements successifs ont contracté année après année envers le Sud. Si la justice a encore un sens pour nous, il est toujours possible de s’en acquitter. Nous appelons à la réunion dans les plus brefs délais d’un nouveau Sommet de la Terre. Il commencera par annuler la dette financière des pays du Sud. Il luttera contre la spéculation, il initiera un plan d’appui aux paysans plutôt qu’aux grandes industries agroalimentaires et organisera un échange des savoirs et le transfert de connaissances agricoles.
Il lèvera une taxe mondiale de solidarité sur les transactions financières et les ventes d’armes, organisant la redistribution à l’échelle planétaire. En sortant des tergiversations criminelles de Bali, il organisera une politique planétaire contre le réchauffement climatique. L’Union européenne lancera rapidement une véritable réforme de la PAC et augmentera les fonds consacrés à l’aide au développement. Pour finir, les gouvernements du Nord décideront de transférer les budgets consacrés à la guerre pour gagner celle contre la faim et la misère, responsable de tant de déracinements forcés. Ces solutions peuvent paraître radicales, elles coûteront moins que le « laisser-faire ». On ne peut plus aujourd’hui se contenter de discours : la maison brûle, et ceux qui le disent continuent d’en alimenter le feu.