Uti, Non Abuti - Use de tout, mais n'abuse de rien.
Par Denis Sieffert 26 juin 2008 in Politis
Published on June 27, 2008 By marouki In International

   Les Français savent maintenant que Nicolas Sarkozy est capable de dire beaucoup de choses pour plaire à un auditoire. C’est ce que nous appelons ici le syndrome Gandrange. En tournée dans cette petite ville mosellane, le président de la République avait, on s’en souvient, tenu devant les ouvriers sidérurgistes menacés de licenciement un discours de syndicaliste accompli. L’inconséquence semble être sa méthode. Transposée dans le domaine de la diplomatie, cela donne, à Tunis, l’éloge ahurissant de la « démocratie tunisienne », alors que des journalistes et des militants des droits humains croupissent dans les geôles de Ben Ali. On ne peut s’empêcher de penser que les propos tenus lundi devant la Knesset, le Parlement israélien, procèdent de la même technique. Pour plaire aux Palestiniens, il a énoncé haut et fort, en les reprenant à son compte, toutes les revendications historiques du mouvement national palestinien, hormis peut-être le droit au retour : l’arrêt des colonies, le retrait d’Israël hors des frontières de 1967, et la reconnaissance d’un État palestinien « avec Jérusalem-Est pour capitale ». Hélas, le Président français n’a pas joint le geste à la parole, c’est à Bethléem, isolé par le « mur », qu’il a rencontré Mahmoud Abbas. Il n’est allé ni à Ramallah, ni dans la partie arabe de Jérusalem, comme l’avait fait son prédécesseur, Jacques Chirac, dans un épisode resté célèbre. Mais ce n’est pas cette contradiction qui est la plus troublante.

   Pour plaire aux dirigeants israéliens, il a exalté, dans la première partie de son discours à la Knesset, les « valeurs de justice et de droit » d’Israël. Était-ce obligatoire quand ce pays est celui, au monde, qui a bafoué le plus grand nombre de résolutions internationales ? Était-il raisonnable de louer les « valeurs universelles » d’un État qui colonise un autre peuple et pratique sans vergogne une discrimination quasi officielle à l’encontre de ceux de ses citoyens qui sont arabes ? Fallait-il, pour plaire, mêler Spinoza à la politique israélienne, c’est-à-dire les valeurs les plus lumineuses et les plus tolérantes du judaïsme à un pays qui s’entoure de murs dans un terrible déni de l’altérité ? Certes, on ne rend jamais visite à un pays pour l’invectiver. Toute diplomatie a sa part acceptable de convenances et d’hypocrisie codifiée. Il n’est pas indispensable de renverser à ce point la vérité cul par-dessus tête. On n’est pas obligé de faire un tel grand écart entre revendications palestiniennes et louanges à l’adresse de la puissance coloniale. Une fois encore, la volonté de Nicolas Sarkozy d’entrer dans le costume de George Bush apparaît presque grossièrement. Presque naïvement. Il n’est hélas pas difficile d’imaginer qu’il poussera le mimétisme jusqu’au bout. C’est-à-dire jusqu’à l’inconséquence la plus totale. L’idole américaine de notre Président a aussi beaucoup flatté les dirigeants israéliens au prétexte de pouvoir, le jour venu, les influencer. Mais que se passe-t-il quand les grandes déclarations en faveur d’un État palestinien (dont George Bush n’a pas été avare non plus) ne sont suivies d’aucun effet ? Et, quand, au lieu de cela, la colonisation s’intensifie ?

   Pendant que Nicolas Sarkozy était en Israël, un jeune juif a été sauvagement agressé tout près des Buttes-Chaumont, à Paris, par un groupe visiblement organisé. De là où il était, le président de la République a commenté l’événement au seul prisme de l’antisémitisme. L’adolescent a été agressé, a-t-il dit, « pour la seule raison qu’il portait une kippa ». Là encore, la volonté de dire ce que ses interlocuteurs du moment veulent entendre n’est pas forcément de bonne politique. Il a fallu que des policiers parlent, ainsi qu’un responsable communautaire de Gagny – où habite le jeune homme – et des témoins de quartier, pour qu’une autre vérité apparaisse.

   La victime fait partie d’un groupe extrémiste qui ne dédaigne pas d’en découdre contre des groupes rivaux qui se définissent eux aussi « ethniquement ». A-t-il été reconnu par ses agresseurs pour avoir pris part quelques heures ou quelques jours plus tôt à une bagarre ? C’est, selon les enquêteurs, une hypothèse plausible. Cela ne rend pas l’agression dont il a été victime plus acceptable. Et cela n’exclut surtout pas l’antisémitisme comme un ressort majeur de cette affaire. Mais reconnaissons que le contexte est un peu différent, et que le racisme n’est peut-être pas exclusif d’un seul groupe. Un policier évoquait une « guerre des territoires ». Le mot sonne étrangement. Tous les observateurs savent qu’il y a une part d’exportation du conflit proche-oriental dans ces affrontements. Quel meilleur aliment pour cette tribalisation ? Comment douter que la paix et le droit là-bas auraient les meilleurs effets ici ? La paix et le droit : par ses déclarations, Nicolas Sarkozy y a-t-il vraiment contribué ?

 

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Comments
on Jun 27, 2008
The French now know that Nicolas Sarkozy is able to say many things to please an audience. That is what we call here syndrome Gandrange. On tour in this small town Moselle, the president had, as will be recalled, held before the steel workers threatened with dismissal a speech made by trade unionist. The inconsistency seems to be his method. Transposed in the field of diplomacy, it gives in Tunis staggering praise of the "Tunisian democracy", while journalists and human rights activists languishing in jails Ben Ali. One can not help thinking that the remarks made Monday before the Knesset, the Israeli Parliament, carry the same technique. To please the Palestinians, he stated loud and clear, showing them to his account, all historical claims of the Palestinian national movement, except perhaps the right of return: a halt to settlements, the withdrawal of Israel out of 1967 borders, and recognition of a Palestinian state "with East Jerusalem as its capital". Unfortunately, the french President has not joined its money where its mouth is in Bethlehem, isolated by the "wall", which he met with Mahmoud Abbas. It is neither gone to Ramallah nor in the Arab part of Jerusalem, as did his predecessor, Jacques Chirac, in an episode remained famous. But this is not the contradiction that is most disturbing.

    To appeal to Israeli leaders, he exalted in the first part of his speech to the Knesset, the "values of justice and right" of Israel. Was it mandatory when this country is that, in the world, which has violated many international resolutions? Was it reasonable to rent the "universal values" of a State which colonize another people and practice shamelessly a quasi-official discrimination against those of its citizens who are Arab? Was it, to please, Spinoza meddle in Israeli politics, ie values the brightest and most tolerant of Judaism in a country that is surrounded by walls in a terrible denial of otherness? Of course, one does not visit a country for invectiver. Any diplomacy has its share acceptable conveniences and hypocrisy codified. It is not necessary to reverse at this point the truth arse over head. We are not obliged to make such a large gap between Palestinian claims and praise addressed to the colonial power. Once again, the will of Nicolas Sarkozy to enter the costume of George Bush appears almost rough. Almost naively. It is unfortunately not difficult to imagine that the mimicry push through. That is to say until the total irrelevance. The American idol of our President has also flattered the Israeli leadership under the pretext of power, the day came influence. But whats up when the grand declarations in favour of a Palestinian state (which George Bush has not been sparing no longer) are followed by no effect? And when, instead, colonization intensifies?

    While Nicolas Sarkozy was in Israel, a young Jew was brutally assaulted near the Buttes-Chaumont, in Paris, apparently by a group organized. From where he was, the president has commented on the event only prism of anti-Semitism. The teenager was attacked, he said, "for the sole reason he was wearing a kippa." Again, the willingness to say what his interlocutors of the moment want to hear is not necessarily good policy. It took that police speak, and a responsible community of Gagny - home to the young man - and witnesses neighbourhood, for another truth appears.

    The victim is part of an extremist group that does not disdains battle against rival groups who define themselves as "ethnically". Has it been recognized by his attackers for taking a few hours or a few days earlier in a fight? This, according to investigators, a plausible hypothesis. This does not make the aggression of which he was the victim more acceptable. And that does not particularly anti-Semitism as a major resort in this case. But recognize that the context is a little different, and that racism is perhaps not exclusive to one group. A police evoked a "war territories." The word sounds strangely. All observers know that there is some export of Middle East conflict in these clashes. What better food for this tribalization? How doubt that peace and the law there would have the best effect here? Peace and the law: by his statements, Nicolas Sarkozy is there really helped?